La Légende des Sirapiens

Kiuti commençait à s’impatienter. Cela faisait maintenant un quart d’heure qu’elle était arrivée et rien. Ou plutôt… personne.

Elle relisait pour la énième fois la lettre qu’elle avait reçu la veille. Elle était écrite en Shlom, la langue de son clan :

« Nous avons besoin de vous. Rendez-vous sous le tilleul bleu à l’heure ou les corbeaux prennent leur envol ».

Puis elle regardait cette table en bois, soigneusement dressée à l’ombre de cette arbre magnifique, avec ses quatre chaises, ses quatre tasses et ce mot : « mettez-vous à l’aise, les autres vont arriver ». Les autres, quelles autres?

Elle s’apprêtait à faire demi-tour, quand un petit bruit éveilla son attention… Ce bruit, elle le connaissait… Elle l’avait déjà entendu si souvent dans son enfance… Elle fit quelques pas en direction de ce bruit si familier…

C’est alors qu’elle l’aperçu… Elle ne distingua pas tout de suite les traits de son visage mais elle pouvait sentir son regard. Elle devait être là depuis longtemps. Elle portait les couleurs des anciens habitants de Sirap.

Kiuti se souvenait avoir lu dans ses livres d’histoire que les premiers Sirapiens avaient commencé à partir peu après l’arrivée du Grand Okras. Elle n’aurait jamais pensé en voir une représente en chaire et en os…

Elle n’osait s’approcher, l’autre semblait si fragile. Comment avait-elle survécue à l’exode ? Plus elle la regardait, plus elle lui semblait familière. Elle l’entendit chanter, et là, des buissons sortirent comme dans un mirage les images du passé.

Au début Kiuti ne reconnut rien, puis petit à petit, elle comprit, elle se revit enfant dans les bras de sa mère qui riait et lui murmurait ces mots si tendre qu’elle n’avait pas entendu depuis si longtemps.

Etait-ce possible ? Tout à son émotion, Kiuti ne vit pas l’étranger qui tout doucement se rapprochait d’elle.

« Bonjour », murmura une voix frêle.

Kiuti sursauta, arrachée à ses pensées.

« Je me présente : Marsoupi » reprit la voix qui sortait de la bouche d’un Koala miniature perché sur un bâton.

Kiuti le regarda, incrédule… Si ce Koala ne gesticulait pas dans tous les sens tout en accomplissant des performances d’équilibriste impressionnantes sur sa canne, elle l’aurait pris pour une peluche.

« Merci, d’avoir répondu toutes les deux à mon appel. Je suis désolé d’interrompre vos retrouvailles, mais il va falloir être rapide : Génésole Laryo, cette puissante magicienne qui a perdu la raison il y a quelques années, a eu vent de notre lieu de rencontre. Il faut que nous partions, avant qu’elle puisse nous retrouver.

– Qu’en est-t-il de la quatrième personne que nous attendions? demanda d’une voix posée la Sirapienne.

– L’un des corbeaux de notre clan est parti à sa rencontre pour lui indiquer notre nouveau lieu de rendez-vous, dit hâtivement Marsoupi.

– Suivez-moi, il faut faire vite », reprit-il.

Peu rassurés, les trois rescapés partirent à travers les chemins de plus en plus difficiles à suivre.  Dans le ciel, un corbeau tournait au dessus d’une caverne.

Marsoupi s’arrêta : « il y a un problème, ce corbeau n’appartient pas à notre clan, il est de celui de la magicienne. Pourvu qu’il ne soit rien arrivé à Ardnas, car c’est là que nous devions la retrouver ».

Ils aperçurent comme un feu un peu plus à droite, et une étrange petite cabane. La Sirapienne sourit de toutes ses dents : « c’est elle ».

Les autres la regardèrent très intrigués, mais ils surent ensuite qu’elle avait raison. Seule une mère pouvait savoir que derrière cet étrange vision se cachait le quatrième personnage. En effet Ardnas était tranquillement assise devant un assortiment d’herbes et de potions. Elle était prête pour la bataille.

Ils s’approchèrent tous d’Ardnas à petit pas . Elle était en train de préparer pleins de petites fioles de la célèbre potion connue sous le nom de « Gardouni ».

Kiuti parla la première : »il faut faire vite. Nous ne sommes plus en sécurité par ici, Génésole va nous retrouver, puis surtout la nuit va tomber : les Sumatopoppih vont commencer à sortir des arbres pour faire déferler le cauchemar dans la tête de tout le monde »

La Sirapienne se mit à rassembler toutes les affaires d’Ardnas dans son immense sac pendant que Marsoupi faisait le guet.

Ardnas n’avait toujours pas prononcer un mot, elle se leva en silence, regarda un à un les autres convives et enfin laissa sortir de sa bouche d’un trait : « je sais que l’un de nous est un allie de Génésole, les feuilles de saule me l’ont dit ».

« L’un de nous? répéta interloqué Kiuti.

– Oui, l’un des nôtres : un Shlom. Nous allons devoir nous méfier de chaque membre de notre clan tant que nous n’aurons pas identifié celle ou celui qui nous a trahi. reprit-elle d’une voix grave.

– C’est pour ça que j’ai préparé une fiole de Gardouni pour chacun d’entre-nous : cela va nous permettre de communiquer par télépathie. Il ne faudra jamais dire devant les autres Shloms que nous rencontrerons en chemin ce que nous comptons faire ou parler de l’endroit ou nous nous rendons. Prenez chacun votre fioles et apposez-vous une goutte sur la nuque avant de partir. »

Marsoupi tomba presque du haut de sa canne pour se ruer sur les fioles : « Non!! Vous savez bien que les Sumatopoppih ont l’odorat très fin. Si nous nous parfumons de Gardouni, ils nous repèreront tout de suite! Nous allons devoir attendre le lever du jour pour pouvoir l’utiliser. Gardons chacun notre fiole en poche en attendant. »

D’un pas plutôt incertain, ils reprirent leur marche dans la jungle. Chacun se méfiant de l’autre. Kiuti se rappelait tous les moments qu’elle avait passé avec chacun des autres membres et ne pouvait se résoudre à penser qu’il y avait un traître. La sirapienne venait de ce temps lointain où ils pouvaient marcher en pleine lumière dans les villes comme à la campagne. Ardnas était depuis toujours le pilier, celle sur qui tout le monde pouvait compter, un peu sorcière, mais toujours attentive aux autres. Pour Marsoupi, c’était un peu plus flou. Elle ne se souvenait pas vraiment de son arrivée. Qui donc l’avait présenté aux autres ?

A ce moment elle entendit comme une voix dans sa tête, c’était Ardnas qui entrait en communication avec elle. Bien sùr, elle était capable de le faire sans prendre la potion. Mais il était impossible de lui répondre de la même manière. Seul le Gardouni depuis longtemps utilisé chez les Shlom permettait de faire cet échange.

« J’ai surpris tes pensées et je crois qu’il est temps de faire le point, seul Marsoupi savait pour l’attaque. Je crois qu’il est sous l’emprise de Génésole, mais qu’il ne s’en rend pas compte. Il faut que tu m’aides à le délivrer. Ne fais rien pour l’instant, nous attendrons l’aube et grâce à la potion que j’ai préparée nous pourrons agir sans dommage… »

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